Un peu long mais intéressant
Parmi les prêtres qui ont joué un rôle important dans le diocèse de Rodez pendant la période révolutionnaire, nous croyons devoir signaler François Salesses originaire d’Estaing.
C’était alors un tout jeune prêtre plein de zèle et de vigueur pour la défense de la Foi.
Divers documents officiels qui se trouvent aux archives,feront connaître à nos lecteurs ce vaillant champion de la liberté religieuse.
L’abbé Salesses à La Selve.
Ce jeune prêtre était à La Selve au moment de la Terreur. Il fut l’apôtre de la région.
L’administration du district de Sauveterre, auquel se rattachait alors le canton de La Selve, fit, pour le découvrir de nombreuses recherches.
Voici une déclaration faite devant le directoire de ce district par un vil délateur, le 27 fructidor a n 2(13 septembre 1794)
Le 27 fructidor an 2 est comparu le citoyen Jean-Baptiste Cransac de La Fourque commune de Bégon canton de La Selve,âgé de 60 ans, cultivateur, lequel a déclaré qu’il y a environ un mois ou un mois et demi, étant tombé malade, il s’est présenté chez lui à deux différentes reprises, le nommé Salesses ci-devant vicaire à La Selve, prêtre réfractaire, lequel lui offrait de l’entendre en confession et de lui administrer les sacrements. Ledit prêtre réfractaire était conduit par une citoyenne du même village appelée Anne Pomarède, qui était allée le prendre.
Le même citoyen Cransac a déclaré en second lieu que le 22 fructidor (22 septembre 1791) , il avait trouvé ledit prêtre réfractaire en passant par Taurines, qui, d’après les rapports publics, allait confesser un nommé Viarouge.
Le prêtre réfractaire, ayant été averti qu’on était à sa poursuite, ne répondit pas et se retira.
Le citoyen Viala de La Selve présent aux dites déclarations, a ajouté par ouï dire que le contre révolutionnaire se montrait imprudemment dans la municipalité, armé de sabres et de pistolets, habillé tantôt en gendarme, tantôt en paysan.
Le même Viala a ajouté avoir entendu dire par l’agent national de Bégon appelé Joseph Gombert, qu’un jour qu’il fut arrêté en entendant dire par une femme que le contre révolutionnaire Salesses allait dire la messe dans la commune, il se transporta partout, lui agent national, sans pouvoir le prendre.
Le citoyen Cransac a déclaré encore que ledit Salesses allait souvent chez le maire de Bégon, faisant cette assertion sur le rapport public.
Le même Cransac a encore déclaré que ledit prêtre allait souvent chez un de ses fermiers appelé Pomarède de La Fourque, faisant également ladite déclaration d’après le rapport de sa femme, ajoutant l’avoir aussi appris de la rumeur publique.
Ledit a déclaré aussi suivant le rapport de la nommée Anne Pomarède, que lorsque le nommé Salesses était venu chez lui, il montait un cheval appartenant au citoyen Cortès de Bou, municipalité de Rullac.
L’année suivante, l’abbé Salesses est signalé en ces termes dans une lettre du procureur général syndic du district de Sauveterre en date du 5 prairial an 3, 24 mai 1795,(archives départementales L 692)
Parmi ces derniers, les prêtres réfractaires, on distingue surtout l’ancien prieur de Meljac, qui a erré dans plusieurs communes du district, celui de Monton qui a paru dans la commune de La Salvetat; le ci-devant curé de Roussenac,district d’Aubin qui a fanatisé dans la commune de Cambrouse, un nommé Salesses qui a parcouru le canton de La Selve sans compter plusieurs autres qu’on dit s’être montrés dans les communes de Bégon, Falguières et autres environnantes Tous ces individus restent cachés ou, s’ils paraissent publiquement, c’est dans les communes où les municipaux sont sans caractère et sans énergie, ce qui est presque général dans le district.
Un autre rapport appelle l’abbé Salesses le grand matador de l’abbé de Gnun, qui administrait alors le diocèse au nom de l'évêque légitime.
On le signale comme faisant publiquement les offices sur divers points de la région.
Il est traqué de tous les côtés , mais grâce à sa popularité, il échappe toujours aux recherches de la gendarmerie.
Un vil délateur déclare au district qu’il a feint de vouloir se confesser pour s’assurer du lieu de sa retraite; il l’a en effet trouvé; mais l’abbé s’est enfui et semble, dit le vil jacobin se moquer des pouvoirs publics.
Sur ces entrefaites, il se produit un moment d’accalmie.
Les populations désirent que l’abbé Salesses reste dans le pays; mais les terroristes veulent à tout prix le faire éloigner, et le curé de La Selve semble de son côté désirer pour le bien de la paix qu’on lui retire ce prêtre dont le rôle jusqu’ à ce moment a été si actif.
Dans une lettre datée du 24 juin 1796, il dit que les trois cinquièmes de es paroissiens n’ont confiance qu’en Salesses.
Lettre du curé de Durenque
Voici une lettre écrite à ce sujet par le curé de Durenque à M. de Grun vicaire général.
Durenque le 4 juillet 1796
Monsieur,
Le sieur Delaure aîné, président de la commission municipale du canton de La Selve , que j’ai eu l’occasion de voir hier, m’a dit que malgré ses représentations, vous persistiez à tirer l’abbé Salesses d’une paroisse pour laquelle il travaille utilement, qui le désire et qui ne peut s’en passer...
Il est bien surprenant, monsieur, que vous vouliez être le ministre des vengeances de quelques individus qui se font aujourd’hui un point d’honneur de le tirer d’une paroisse où il est chéri et estimé et sur laquelle il fait beaucoup de bien.
J’ai été dans tous les temps un des plus chauds amis de la paix et de la tranquillité et si le sieur Salesses se conduisait de façon à les troubler,je serais le premier à demander son éloignement; mais il s’en faut bien qu’il la trouble cette paix. J’ai été le témoin, je dois le dire , de nombreuses provocations qui lui ont été faites et des nombreux sacrifices qu’il a faits à cet égard.
Et de quoi se plaignent enfin les deux individus dont vous paraissez épouser les querelles? Que le sieur Salesses confesse quelques personnes de cette paroisse, qui s’adressaient à lui dans le temps qu’il desservait cette paroisse, ou dans celui de la persécution. Vous savez monsieur aussi bien que moi, que c’est une affaire de confiance et que quiconque voudrait encore gêner sur un pareil article, paraîtrait bien peu digne de l’obtenir.
D’ailleurs, vous n’ignorez pas que si le sieur Salesses a encore reçu, à l’époque de pâques, quelques paroissiens de La Selve, ça n’a été qu’avec votre agrément et permission expresse, et vous êtes encore instruit que depuis cette époque, il les a tous renvoyés.
D’après cela, des plaintes de sieur N., ne peuvent avoir d’autre fondement que la plus basse jalousie, et un esprit de despotisme qui ne serait supportable dans aucun temps, et à plus forte raison dans celui où nous vivons.
L’abbé Salesses à Cabrespines.
Malgré ces réclamations, on jugea sans doute plus prudent de conseiller à l’abbé Salesses de s’installer ailleurs, puisque bientôt après, nous le retrouvons du côté de son pays natal.
Comme à La Selve, les populations accourent encore autour de ce prêtre fidèle.
Il est vicaire de Cabrespines, paroisse qui avait besoin de son zèle, puisque le curé avait malheureusement prêté serment.
Procès verbal de la gendarmerie.
Voici un procès-verbal de la gendarmerie qui en fait foi :
Ce jourd’hui, 6 messidor de l’an 6 de la République (24 juin 1798), nous, soussignés gendarmes d’Espalion, instruits que le nommé Salesses, prêtre réfractaire, exerçait au mépris de la loi du 9 fructidor et autres antérieures, les fonctions de son ministère....tantôt au village de Lacombe, tantôt dans une grange appartenant au nommé Dijols, de la commune de Léglise, ainsi que dans une autre grange appartenant au nommé Bernard Mirabel, dit Maffré, domicilié au village de Pignon, commune de Causse et autres endroits où il se rassemblent au nombre de 8 à 900 personnes, quelquefois plus...
En conséquence, nous sommes partis d’Espalion à 10 heures du soir pour nous rendre chez le citoyen Cabroulier, agent, chez qui nous avons laissés nos chevaux.
Nous sommes partis avec le citoyen Cabroulier, agent, pour aller rejoindre le détachement de Coubisou qui avait déjà reçu l’ordre de se rendre dans une grange située dans un bois d’où nous nous trouvions à portée pour voir passer les fanatiques et dont leur marche devait nous indiquer l’endroit où ledit Salesses devait dire la messe.
Arrivés au rendez-vous, nous y trouvâmes le détachement de Coubisou et autres qui nous témoignèrent tous le plaisir qu’ils avaient de se trouver dans cette opération.
Après leur avoir fait connaître l’importance de cette capture, je leur recommandai beaucoup de fermeté, leur obvait à portée de Picou, vint m’avertir à partager le danger, si toutefois nous trouvions de la résistance de la part de ces fanatiques.
Le lendemain vers 9 heures du matin, nous apercevons défiler plusieurs personnes qui prenaient la route de Lacombe, où le Salesses avait coutume de dire la messe. En même temps nous entendons la voix d’un homme qui était posté sur une hauteur, criant à haute voix et s’adressant à ceux qui venaient à la messe, de rebrousser chemin parce qu’on devait la dire à Picou et non à Lacombe.
Cette procession dura environ 2 heures. Un homme du détachement que j’avais fait cacher dans un blé, et qui se trouvait à portée de Piquou, vint m’avertir vers les 11 heures, que tout le monde était rassemblé et qu’il les avait entendus chanter.
Je donnai tout de suite la consigne aux deux gendarmes que j’avais destinés pour se mettre à la tête d’un peloton qui devait se porter sur la droite de se rendre lestement et cerner la partie droite où était située la grange, et le second peloton de manière que la susdite grange se trouvait investie de tous côtés, au pont que personne ne pouvait s’échapper.
Je me présente à la porte d’entrée, je vois aux environs de 5 à 600 personnes, qui chantent vêpres, mais qui, nous ayant aperçus, finirent de suite leurs orémus. Voyant qu’ils se disposaient à sortir, je les fis défiler les uns après les autres, et malgré la plus exacte surveillance, nous ne pûmes découvrir ledit Salesses et, ce qui prouve que notre projet avait été vendu, c’est que ni les déserteurs, ni le prétendu ministre, ne se trouva pas dans la foule. Il n’y eut que le fils de Dijols qui à la vérité fut entendu de tout le détachement, qui était caché dans le bois, ce qui était sûrement un signal pour prévenir Salesses de ne pas venir dire la messe.
Voyant que nos recherches étaient infructueuses, nous nous sommes tous retirés et avons dressé le présent procès-verbal que nous certifions véritable, les mêmes jours, mois et an que ci-dessus.
(Archives départementales L 711).
Arrestation de l’abbé Salesses.
Les gendarmes continuerairent à poursuivre l’abbé Salesse. Plusieurs fois ils sont sur le point de le surprendre; mais il leur échappe.
Enfin ils parviennent à l’arrêter et aussitôt ils le conduisent à Rodez devant le Directoire Départemental.
Nous reproduisons le procès-verbal de l’interrogatoire qu’il doit subir.(archives départementales L 718)
Interrogatoire de l’abbé Salesses.
Séance du 24 messidor an 6 (12 juillet 1798)
Les gendarmes de la brigade de Rodez ont conduit au lieu des séances de l’ administration centrale un individu à l’interrogatoire duquel il a été procédé comme suit :
Quel est votre nom ? - «Jean-François Salesses »
Quel est votre âge ?- « Trente et un ans passés »
Où êtes vous né ? -«Dans la commune d’Estaing »
Quelle est votre profession ? « Je suis prêtre »
Dans quelle commune résidiez-vous? « Dans la commune de Cabrespines canton d’Estaing »
Depuis quelle époque êtes-vous prêtre? -«Depuis le mois de décembre 1789 »
Avez-vous été fonctionnaire public?- « Non excepté depuis la publication de la loi du 7 vendémiaire an 4 »
Avez-vous faits les serments prescrits par les loi de 1792 et 1793 ?- « non.......... »
Avez-vous fait la déclaration prescrite par la loi du 7 vendémiaire? - «non, on ne m’a pas demandé cette déclaration, sans quoi je l’aurais faite. »
Dans quelles communes avez-vous fait des fonctions depuis la loi du 7 vendémiaire ?- «Dans la commune de Causse-Cabrespine jusqu »au 18 fructidor , époque à laquelle je les ai discontinuées. J’observe qu’avant de les exercer dans cette commune, j’en avais fait pendant l’espace d’un an environ dans la commune de Durenque canton de La Selve. »
Dans quels lieux exerciez-vous les fonctions ? Etait-ce dans les édifices publics, ou bien dans des églises particulières?...Il résulte du procès-verbal de votre arrestation que vous avez exercé dans des granges que vous avez trouvées ouvertes depuis le 18 fructidor?--«J’ai quelques fois exercé le culte dans ces maisons particulières . J’étais seul avec le nombre des personnes autorisé par la loi, mais je déclare n’y avoir pas fait des fonctions publiques, depuis le 18 fructidor »
Quel était le nombre de personnes qui assistaient à la cérémonie? «Je ne saurais vous dire le nombre, étant donné que je ne les ai pas comptées, j'étais uniquement occupé par l'importance de mes fonctions.»
Pourquoi avez-vous fait des fonctions en dépit de la loi du 7 vendémiaire, sans avoir fait la déclaration qu'elle exige? «On ne m'a jamais demandé cette déclaration»
Chez quel particulier avez-vous fait des fonctions depuis le 18 fructidor? «Je les ai faites dans plusieurs maisons et presque jamais deux fois sans intervalle dans le même endroit»
Vous avez donc suivi plusieurs maisons? « J’ai changé de domicile et cela n’a été que pour éviter les attroupements qui auraient pu se former pour y assister »
Connaissez-vous les individus chez lesquels vous avez fait des fonctions? « Je ne me rappelle d’aucun »
A-t-on jamais assisté en armes à vos offices? « Non, je n’y ai jamais vue aucune arme »
Lecture faite à François Salesses du présent interrogatoire. Et de ses réponses, ainsi que du procès-verbal de son arrestation, il a déclaré que l’un et l’autre contient la vérité, et qu’il y persiste, de tout quoi a été dressé le présent procès-verbal. Le jour et an susdit.
Et a signé avec les administrateurs susdits.
Correspondance avec l’administrateur d’Estaing
Le lendemain de cet interrogatoire, 25 messidor an 6, les administrateurs du département de l’Aveyron, adressent la lettre suivante à l’administrateur municipal du canton d’Estaing.
Nous la reproduisons en intercalant les réponses faites à chaque question:
Le nommé Salesses, prêtre de votre canton a été conduit au chef-lieu du département par la gendarmerie nationale.
Pour nous fixer sur la détermination que nous devons prendre à son égard, nous avons besoin de vos renseignements.
Vous voudrez bien, citoyens, répondre dans le plus bref délai aux questions suivantes:
Salesses prêtre a-t-il fait des fonctions publiques et à quelle époque? « Il en a faites depuis le mois de nivôse an 5, jusqu’au 19 fructidor même année. D’après l’autorisation de l’administration. centrale. »
A-t-il perçu ou en droit de percevoir un traitement ou pension de la Nation? « Nous n’en avons pas connaissance »
A-t-il fait des fonctions avant ou après le 19 fructidor? « Oui »
Dans quelle commune, dans quels lieux a-t-il exercé? « A Cabrespine et Causse »
S’est-il formé des rassemblements, y a-t-il eu des gens armés? « Oui quelques fois »
A-t-il prêché contre les lois et le gouvernement? « La rumeur publique l’a dit quelques fois »
A-t-il excité ou entretenu le fanatisme? « Oui »
Où a-t-il fait sa résidence? « La rumeur publique dit qu’il exerçait parfois à Lacombe, chez Conquet, à Pontiès et à Picou, communes de L’Eglise-Cabrespine »
A-t-il fait des fonctions de culte dans les maisons où il a résidé?
S ‘est-il introduit un grand nombre d’individus dans les maisons où il a exercé le culte? « Environ mille personnes »
Vous avez été à portée de connaître mieux que nous la conduite, les habitudes et la moralité de cet individu et nous espérons que vous nous instruirez de toutes les circonstances qui pourraient nous faire connaître la vérité sur son compte.
L’administration municipale, vu l’adresse ci-contre en date du 25 messidor courant mois et les questions à nous proposées, arrêté les réponses ci-dessus déduites des renseignements fournis par les agents des communes où ledit Salesses a exercé son culte, ou de celles environnantes et tout après avoir entendu le commissaire du directoire exécutif, fait et délibère en administration municipale le 30 messidor an 6 républicain.
PS :Vous voudrez bien convoquer de suite l’administration afin que le porteur de la présente puisse rapporter la réponse.
Correspondance avec l’administration d’Estaing.
Le même jour, les administrations du département de l 'Aveyron, écrivent également à l’administrateur municipal du canton de La Selve .
Nous intercalons la réponse aux questions, comme pour la précédente:
Le nommé Salesses prêtre qui a résidé dans votre canton a été conduit au chef-lieu du département par la gendarmerie nationale. Pour nous fixer sur la détermination que nous devons prendre...............répondre sans délai aux questions suivantes:
Salesses prêtre a-t-il fait des fonctions publiques et à quelle époque? « Salesses étant à La Selve en qualité d’instituteur , avec le citoyen Cussac, à l’époque de la déportation des prêtres réfractaires, a dit la messe dans l’église de La Selve pendant 4 ou 5 mois »
A-t-il perçu ou en droit de percevoir, un traitement ou pension de la nation? « N’étant ni bénéficiaire ni fonctionnaire public, il n’a jamais dû recevoir aucun traitement ni pension, et il n’est point en notre connaissance qu'il en ait jamais perçu »
A-t-il fait des fonctions avant ou après le 19 fructidor? Dans quelles communes, dans quels lieux a-t-il exercé? « Il était parti de notre canton longtemps avant le 19 fructidor, ainsi nous ignorons dans quelles communes il a exercé depuis »
S’est-il formé des rassemblements pour assister à l'exercice de ces fonctions ?
Dans ces rassemblements, y a-t-il eu des gens armés?
A-t-il prêché contre les lois et le gouvernement?
A-t-il excité ou entretenu des fanatismes?
Dans quelle commune et chez quel particuliers a-t-il fait sa résidence?
A-t-il fait les fonctions ou culte dans la maison où il a résidé?
S’est_il introduit un grand nombre d’individus dans les maisons où il a exercé le culte?
Vous avez été à portée de connaître mieux que nous la conduite, les habitudes et la moralité de cet individu, et nous espérons que vous nous instruirez de toutes les circonstances qui pourront nous faire connaître le vérité sur son compte. « Pendant le susdit espace de temps que le nommé , Salesses a dit sa messe à La Selve comme fonctionnaire, il ne s’est point formé de rassemblements extraordinaires, il n’y a jamais paru des gens armés, il n’a jamais été le fauteur ou auteur de quelque sédition et n’a point allumé la torche du fanatisme et il s’est au contraire conduit en républicain paisible et soumis aux lois.
Il faisait à la susdite époque, résidence dans la commune de La Selve, chez le citoyen Cussac , il n’y exerçait point les fonctions de culte; après les époques précitées, la conduite de Salesses prêtre nous est parfaitement inconnue. »
Fait en administration à La Selve le 29 messidor an 6 de la République française.
PS. Vous voudrez bien convoquer de suite l’administrateur, afin que le porteur de la présente puisse rapporter la réponse.
Lettres des agents des communes.
Le 30 messidor an 6,(18 juillet 1798), les agents des communes du Causse-l’église de Cabrespine, de St Geniez, , de Coubisou, d’estaing, adressent la lettre suivante au président de l’administration centrale du département de l’Aveyron:
Citoyen Président,
« Nous vous prévenons que le citoyen Salesses, prêtre réfractaire, détenu aux prisons de Rodez est très dangereux; que depuis 2 ans qu’il exerce dans nos communes, il a toujours persuadé la nécessité d’un roi; que la République est et faisait toujours le malheur de la France, que tant qu'elle existera nous aurons toujours la guerre au dehors et au dedans.
Il y a toujours fanatisé le peuple, divisé , soulevé contre le gouvernement, les républicains prononcés et les autorités constituées; il a exercé, avant et après la loi du 19 fructidor, sans avoir fait le serment de haine à la royauté, dans des granges, dans des maisons particulières, en pleine campagne, ayant jusqu'à 2000 sectaires, dont plusieurs étaient armés d’un fusil, d’autres de pistolets et les femmes de pierres, a dessin d'enlever ledit prêtre, et de maltraiter ceux qui viendraient l’arrêter.
Il a comprimé les républicains, les a fait menacer d'assassinat, d’incendies, surtout les agents qui viendraient l’arrêter.
Depuis le mandat d’arrêt, il s’est vanté qu’il ferait égorger ceux qu’il découvrirait l’avoir sollicité.
Comme cet homme est très dangereux pour la somme publique, pour les républicains, attendu qu’il promenait dans nos communes armé d’un fusil double et de pistolets, qu’il se faisait accompagner de brigands condamnés à mort qui sont la terreur du pays comme le voleur; dAlpuech, le bouvier de Desamat et des déserteurs, il est très prudent de prendre garde qu’il n’échappe pas.
Il a été ménagé dans la réponse de l’administration municipale à l’arrêté de l’administration centrale, à cause qu’il y a eu des parents des fanatiques et que certains des autres n’ont osé s’expliquer à cause du danger qu’ils croyaient encourir.
Nous espérons, citoyen président,que votre patriotisme et votre caractère de vrai élu du peuple, nous rendra justice.
Salut et fraternité. »
A Estaing le 30 messidor an 6 de la République Française.
On voit que cette lettre, manifestement calomnieuse, est écrite par les jacobins du lieu, désireux de se débarrasser de Salesses dont la présence les gène.
Lettre de l’administration départementale au ministère.
Après avoir reçu ces divers renseignements, les administrateurs du département écrivirent au ministère de la police générale:
Citoyen Ministre.
« Le nommé Jean-François Salesses, prêtre de la commune d’Estaing, ayant été rencontré hors de son canton, inconnu et sans passe-port par la gendarmerie fut arrêté et conduit au chef-lieu de notre département.
Il résulte de son interrogatoire, qu’il a exercé le culte en contravention aux lois, même après le 19 fructidor; il était depuis longtemps accusé par l’opinion générale de corrompre l’esprit public dans les campagnes, et d’y faire détester la Révolution; nous n’avions néanmoins aucune preuve officielle de sa conduite.
Les renseignements qui nous sont fournis par l’administration municipale du canton d’Estaing , ne nous permettent pas de douter de la perversité de ses sentiments.
La déportation de cet individu nous paraît indispensable, et nous n’aurions pas manqué de la prononcer si nous y avions été autorisés par la loi.
N’ayant pu nous procurer la preuve qu’il soit dans les cas prévus par celle du 19 fructidor, nous pensons, citoyen ministre, qu’il serait nécessaire de solliciter auprès du directoire exécutif, un arrête qui ordonne sa déportation.
Cette mesure est d’autant plus urgente que sa mise en liberté ou son évasion compromettraient les fonctionnaires publics qui ont eu la fermeté de nous dire la vérité sur son compte.
L’espoir et l’exemple d’impunité ne pourraient qu’accroître l’audace du crime dans ce département où le fanatisme exerce un empire dangereux.
Nous vous envoyons, citoyen ministre, une copie certifiée des renseignements qui nous ont été donnés par l’administration du canton d’Estaing. Ils nous fourniront la preuve que cet individu a mérité la déportation.
PS. Nous vous observons, citoyen ministre, que le prêtre dont il s’agit est provisoirement détenu dans la maison d'arrêt de la commune de Rodez. C’est une mesure de sécurité que nous avons cru nécessaire jusqu’à votre réponse.
Pétition des habitants d’Estaing.
Cependant, les habitants d’Estaing étaient désolés de l’arrestation de l’abbé Salesses.
Les diverses communes adressèrent à l’administration départementale une pétition en faveur de ce prêtre.
Voici un texte de la pétition des habitants d’Estaing :
« Nous, habitants de la commune d’Estaing, certifions et attestons qu’il n’est jamais parvenu à notre connaissance, que le citoyen Jean-François Salesses, prêtre, ait jamais provoqué à la royauté, ni par sa conduite, ni par ses paroles, que bien loin de porter ou d’exciter le peuple contre le gouvernement, nous avons su qu’il a toujours prêché la soumission aux lois et le respect pour les autorités constituées, qu’il na jamais excité à des attroupements, avec ou sans armes, que nous ne lui avons jamais vu porter aucune arme, et que, depuis qu’il a paru dans le canton, il s’y est toujours comporté en citoyen paisible et tranquille; qu’il n’est pas possible qu’il ait pu rassembler mille personnes puisqu’il n’y a dans le canton, quoique composé de dix communes, que 863 votants.
En foi de quoi nous lui avons délivré le présent pour lui servir en ce que de raison, et avons signé le 7 thermidor an 6 de la République française une et indivisible. »
Suivent de nombreuses signatures; une pièce semblable est produite par les communes d'Anglars, Cabrespine, Armat, Esparon.
Évasion de l’abbé Salesses.
12 Thermidor an 6 (30 juillet 1798)
Le 22 thermidor, les administrateurs du département de l’Aveyron, adressent au ministre de la police générale, une nouvelle lettre pour annoncer l’évasion du prisonnier:
Citoyen ministre.
Nous nous empressons de vous instruire que le nommé Jean-François Salesses, prêtre détenu dans la maison d’arrêt de Rodez au sujet duquel nous vous avons écrit le 3 du courant, s’est évadé la nuit dernière au moyen d’une ouverture qu’il a faite au mur de l’appartement qu’il occupait et d’une corde qu’on lui a procurée.
Cette évasion est d’autant plus affligeante pour les républicains que cet individu ne négligera rien pour pour exercer ses tangences contre ceux qui ont donné des renseignements sur sa conduite, et qu’il sera bien difficile de le faire arrêter à nouveau.
Nous allons dénoncer à l’accusateur public le concierge de la maison d’arrêt pour que ce dernier reçoive, s’il y a lieu l’application des peines par lui encourues conformément à la loi.
Procès-verbal d’évasion.
Cette lettre est accompagnée de l’extrait suivant du registre d’accompagnement des procès-verbaux d’évasion des prisons de la commune de Rodez.
« Ce jourd’hui 22 thermidor de l’an six de la République française une et indivisible, nous Jean Cal.... administrateur municipal nommé commissaire des maisons d’arrêt de justice et de détention de cette commune, nous étant transporté dans la maison d’arrêt pour la réquisition du citoyen Pierre C..... concierge de ladite maison pour constater les moyens d’évasion qu’a employés la nuit dernière le citoyen Jean-François Salesses, prêtre détenu qui s’est évadé pendant la nuit dernière, avons trouvé que dans le cachot où il était enfermé, il a pratiqué une ouverture dans la muraille donnant sur la basse-cour du citoyen Armand ...... de draps, que, pour faire ladite ouverture, il ........le mur de refente par une épaisseur d’environ quatre pans, d’une largeur assez considérable pour donner passage à un homme, qu'il s'est servi pour cela d’un bout de lance en fer faite en forme de losange. Nous avons trouvé encore une grande corde parsemée de noeuds attachée au pied du lit, passée dans ladite ouverture et assez longue pour descendre jusqu’à terre dans la partie extérieure dudit mur de refente. Nous avons laissé ladite corde et ledit bout de lance entre les mains du concierge. Et nous avons dressé le présent procès-verbal pour service à qui il appartiendra ; Et avons.......avec notre secrétaire et ledit concierge. »
Cabrol, Commissaire, ........., secrétaire; Carcuac, concierge; signés
L’abbé Salesses après le Révolution.
Échappé de prison,l’abbé Salesses continua à desservir la paroisse du Monastère-Cabrespine, en qualité de vicaire, tandis que le curé s’obstinait à persévérer dans le schisme.
L’état diocésain de 1801-1802 fait suivre le nom de ce curé du mot « constitutionnel »
Lorsqu’en 1802, on s’occupa de réorganiser dans le diocèse l’enseignement chrétien, l’abbé Salesses fut appelé au collège de St Geniez d’Olt en qualité d’économe, Mr l’abbé Vibal était supérieur de l’établissement.
Il devint ensuite successivement supérieur du collège de St Flour et de celui d’Orléans.
En 1819, il revint à St Geniez pour y remplir les fonctions de supérieur ou principal du collège et il les conserva jusqu’en 1829.
A partir de cette date, il se retira et passa plusieurs années ensuite dans la petite ville de St Geniez